Nathalie Lafranchise est professeure titulaire au Département de communication sociale et publique de la Faculté de communication de l’UQAM.
Pourquoi avoir choisi de vous impliquer avec Mentorat Québec à l’époque, alors que le mentorat n’était pas aussi connu qu’aujourd’hui?
J’étais inscrite à la maîtrise en communication de l’UQAM et je faisais ma maîtrise sur le mentorat avec Renée Houde. Renée m’a initiée au monde du mentorat. C’est vraiment Renée qui m’a ouvert les portes et qui m’a suggéré de participer à des activités de réseautage et aux colloques organisés, à l’époque, par la Fondation de l’entrepreneurship. À cette époque-là, on parlait plutôt de parrainage.
Quand Mentorat Québec a commencé à prendre forme, avec Diane Doyon, André Gosselin, Christine Cuerrier et Renée Houde, ça allait de soi de m’impliquer, car c’était mon sujet de maîtrise, l’expertise que je développais. Après ma maîtrise, j’ai collaboré avec divers programmes de mentorat, et j’ai travaillé pour Academos avec Catherine Légaré, qui, à ce moment, était impliquée au sein de Mentorat Québec et était porteuse du dossier web. J’ai donc fait partie du comité web de Mentorat Québec. Le mentorat, c’est une cause que j’avais à cœur : j’ai vécu une relation mentorale avec Renée et, pour moi, ça allait de soi de promouvoir le mentorat au Québec.
J’allais donc aux colloques en tant que participante ou communicatrice, puis j’ai ensuite commencé un doctorat. En 2009-2010, la présidente de l’époque est venue me chercher afin que je fasse partie du CA, et c’est à ce moment que j’ai commencé à en faire partie.
J’ai été là très longtemps, d’abord comme responsable du développement professionnel puis, après un certain temps, la présidente a quitté. Il y avait beaucoup de nouveaux, et puisque j’étais la plus ancienne, j’avais en quelque sorte le devoir de reprendre la présidence. Par contre, je ne voulais pas le faire seule, donc j’ai été coprésidente en collaboration avec d’autres personnes. On faisait de notre mieux, on n’avait pas beaucoup d’argent non plus, donc on faisait le minimum. On ne pouvait pas vraiment se permettre d’être en développement. C’est à ce moment qu’on s’est dit qu’il fallait aller chercher quelqu’un qui avait du temps, et on est allé·e·s chercher Yvon Chouinard, qui était retraité et très bien réseauté. Il a ainsi pu reprendre le flambeau.
Comment le mentorat a-t-il évolué depuis que vous avez commencé à vous impliquer dans le domaine?
Quand Renée a écrit son livre, le mentorat en était à ses balbutiements dans les organisations. Peu de gens étaient formés ou avaient une expertise en mentorat, et le besoin était de faire connaître le mentorat ainsi que les meilleures pratiques en mentorat.
Il y avait beaucoup de confusion avec d’autres modes d’accompagnement. D’ailleurs, la confusion avec le coaching existe encore. Mentorat Québec permettait ainsi d’ouvrir un espace pour que les gens puissent échanger leurs expertises et faire connaître le mentorat. Voilà ce qui était au cœur des préoccupations de Mentorat Québec à l’époque.
À la même époque est arrivée la recherche de Christine Cuerrier, qui a permis de révéler les bonnes pratiques en matière de mentorat ainsi que les aspects à améliorer.
Puis, le programme court de 2e cycle en mentorat de l’UQAM a vu le jour, soutenu par plusieurs personnes impliquées chez Mentorat Québec. Depuis, au moins une centaine de personnes ont été formées en mentorat grâce à ce programme court.
Avec le temps, les besoins ont changé : il y a toujours des besoins en formation, mais les expert·e·s en mentorat sont plus nombreux depuis 2002. C’est peut-être ça, la principale évolution depuis les débuts de Mentorat Québec : il y a beaucoup plus de gens qui connaissent le mentorat et les bonnes pratiques. On compte aussi beaucoup plus de programmes au sein des organisations.
À l’époque, c’était difficile de départager le mentorat, le parrainage, le coaching… et on s’est assuré·e·s de clarifier tout ça. Il y a aussi davantage d’études qui se font sur le mentorat au Québec, et ce, depuis la recension de Christine. Avant, c’était beaucoup plus étoffé du côté anglophone uniquement.
Des connaissances, on en a davantage, et, surtout, on a désormais des résultats de recherche, et c’est ce qui nous permet de voir ce que peut apporter le mentorat, quelles sont les meilleures pratiques en fonction des organisations, des individus et des contextes. Mentorat Québec a en quelque sort joué un rôle de catalyseur.
Qu’est-ce que le mentorat a apporté dans votre vie?
Je ne serais pas professeure si ce n’était pas du mentorat! C’est sûr que je ne serais pas là où je suis dans ma carrière si je n’avais pas croisé Renée sur mon chemin. Moi, j’ai eu la chance d’avoir la mentore des mentor·e·s comme mentore!
Je lui ai déjà dit qu’elle m’avait mise au monde professionnellement. C’est ma mère professionnelle, parce que ce n’était pas du tout ce que j’envisageais comme carrière; je n’aurais jamais pensé devenir professeure d’université. J’étais technicienne de laboratoire en chimie-biologie et, quand je me suis inscrite à l’université, à l’âge de 25 ans, ce qui m’intéressait, c’était la psychologie et l’intervention psychosociale. J’ai d’abord fait un certificat en sciences sociales dans l’intention de faire un baccalauréat en psychologie par la suite, mais je me suis inscrite au baccalauréat en psychosociologie de la communication à l’UQAM, et je suis restée accrochée à la communication, pour ensuite faire une maîtrise dans ce domaine. Je n’envisageais pas être professeure… jusqu’à ce que Renée m’offre ma première charge de cours, et ce, après ma maîtrise en communication.
J’étais honorée, et c’est ce qui m’a révélé ma passion pour l’enseignement universitaire; cette occasion qu’elle m’a donnée et que j’ai su saisir, tout en bénéficiant de tout son soutien… Cet accompagnement a fait en sorte que cette première expérience d’enseignement universitaire s’est très bien déroulée, et c’est au terme de cette session-là que je me suis dit que c’est ce que je voulais faire dans la vie. C’est ce qui a fait naître en moi le désir de faire un doctorat.
Voilà ce que Renée m’avait dit : un·e mentor·e révèle le/la mentoré·e en soi. J’ai choisi de faire un doctorat en sciences de l’éducation, en me spécialisant dans le domaine de l’accompagnement. J’accordais beaucoup d’importance à l’accompagnement des personnes dans leur développement et aux difficultés qu’elles vivent afin de parvenir à mieux les résoudre.
Le fait d’avoir étudié le mentorat et d’avoir eu la mentore des mentor·e·s fait en sorte que j’essaie du mieux que je peux de prendre exemple sur ce modèle. J’essaie d’agir comme une mentore pour mes étudiant·e·s, c’est-à-dire d’adopter des attitudes mentorales qui mettent l’emphase sur l’écoute, l’accueil et le soutien au développement de la personne.
J’ai intégré l’importance de soutenir le développement des personnes, et ce, que ce soit dans mon enseignement ou dans mon accompagnement. Je suis vraiment inspirée par Renée, par la façon dont elle agissait avec moi. J’essaie de toujours avoir cette attitude mentorale dans un contexte d’apprentissage. Tout le monde peut se développer, à son rythme. Je suis guidée par cette pensée pour chaque étudiant : « Je te prends où tu es et je vais essayer de t’amener le plus loin possible, et ce, en tenant compte de tes capacités, de tes forces et de tes besoins. Tu es le pilote, dis-moi où tu veux aller et je vais t’aider à y arriver en bon copilote ». J’ai intégré cette philosophie dans ma façon d’enseigner et d’accompagner mes étudiant·e·s. Je ne serais pas comme ça si je n’avais pas eu Renée.
Être professeure à l’université, ça m’apporte beaucoup de satisfaction. C’est très gratifiant d’être témoin du développement de plusieurs individus. C’est un privilège de participer à la progression et à l’épanouissement d’individus. Je dirais que c’est ce qui me satisfait le plus dans mon rôle de professeure.