Par Jennifer Petrela
Gestionnaire de l’Accélérateur mentoral de Mentorat Québec
Illustration par Élyse Zadigue-Dubé

Qu’est que l’un des plus grands réseaux de mentorat dans le domaine scientifique et une plate-forme de mentorat pour les affaires et les arts ont identifié comme meilleures pratiques sur le mentorat à distance? Résumé d’une conférence diffusée sur le web le 3 avril 2020.

Katherine Macnaughton est la fondatrice et directrice de l’exploitation de Mentorly.co, plateforme de mentorat en ligne qui offre un accès structuré, aussi bien pour les individus que pour les organisations. Katherine est en charge des opérations, de la direction artistique et des stratégies d’affaires.

Katie Stinson est responsable de l’engagement virtuel du National Resource Mentoring Network (NRMN) développé au sein de l’University of North Texas. Le NRMN est une initiative subventionnée par le National Institutes of Health des États-Unis pour promouvoir la diversité dans les sciences, les technologies, le génie et les mathématiques. Katie gère le recrutement, l’engagement et le soutien aux utilisateurs.

Comment établir une relation de confiance entre mentor(e) et mentoré(e) sans jamais s’être rencontré en personne?

Katie Stinson : Cela peut paraitre bien simple, mais, d’après mon expérience, il faut être ouvert et honnête. Au NRMN, les mentor(e)s et les mentoré(e)s doivent répondre à 17 questions sur eux-mêmes : les sujets de ces dernières sont des informations personnelles qui portent sur la race, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle. Ils ne sont pas obligés de divulguer leurs réponses, mais nous les encourageons à explorer les différences et les similitudes entre eux-mêmes et leur partenaire de mentorat. Cela établit la base pour une relation de confiance.

Katherine Macnaughton : Il est vrai que la confiance est importante pour un mentorat fructueux. Mentorly.co ne laisse rien au hasard. Quand un(e) mentor(e) s’inscrit, on passe en revue son profil, son portfolio et son image publique pour s’assurer que les mentoré(e)s ne seront pas exposé(e)s à de l’arrogance ou à un manque d’intérêt. Nous exigeons également que tous les mentor(e)s et mentoré(e)s adhérent à un code de conduite pour assurer une relation respectueuse.
Le code est le même pour les mentor(e)s et mentoré(e)s, de sorte que chaque partie sait que l’autre s’est engagée à adopter un comportement favorable à une interaction saine et respectueuse. Le code protège également les mentoré(e)s contre toute sollicitation. Certains de nos mentor(e)s ont leur propre cabinet de coaching et nos conditions d’utilisation indiquent clairement qu’ils ne sont pas là pour recruter des clients.

Mentorat Québec : Vous soulevez un point important: la distinction entre le mentorat et le coaching. Pour le bénéfice de notre public, voici de brèves définitions que j’ai recueillies auprès de mon collègue Yvon Chouinard :

* Coaching: le développement de compétences ciblées reliées à un rôle spécifique. Le coach est un professionnel qui est formé dans une méthodologie spécifique.

* Mentorat: un accompagnement axé sur le savoir-faire, le savoir-être et le savoir-devenir, dispensé par une personne qui dispose d’une expérience et des connaissance dans un domaine où le mentoré(e) souhaite s’intégrer.

Que suggérez-vous pour que la relation virtuelle débute sur une bonne base?

Katie Stinson : Le premier élément est le temps que l’on s’engage à donner. NRMN demande un engagement initial de 4 à 5 mois. Nous encourageons également les mentor.e.s et les mentoré.e.s à préciser un calendrier dès le début de leur relation. Les mentor(e)s en particulier doivent être clair(e)s sur leur disponibilité. S’ils ne peuvent pas être disponibles, nous leur demandons d’utiliser une réponse automatisée indiquant leur absence.

Le deuxième élément est la clarté de ses objectifs. Dans une relation virtuelle, vous devez vous assurer que toutes les conversations seront retranscrites. En d’autres termes, vous devez écrire tout ce que votre partenaire doit savoir afin qu’il comprenne d’où vous venez et où vous aller. NRMN communique aux mentor(e)s et mentoré(e)s le pourcentage de questions portant sur le profil et auxquelles ils ont répondu et les encourage à continuer pour atteindre 100%.

Katherine Macnaughton : Je suis d’accord, la clarté est importante. Afin de réserver un mentor, les mentoré(e)s doivent rédiger un message d’introduction très détaillé qui spécifie leur objectif. Pas de message, pas de réservation. De plus, nous suggérons que les mentoré(e)s remettent préalablement à leur mentor(e) un dossier et nous encourageons les mentor(e)s à lire ce matériel afin qu’ils/elles viennent préparé(e)s à la session. Cela augmente la productivité de la relation dès la première réunion.

Les mentoré(e)s et les mentor(e)s prennent contact pour la première fois à distance. Comment devraient-ils communiquer? Par email? Par téléphone? Avec une vidéoconférence?

Katherine Macnaughton : Chez Mentorly, la première rencontre se déroule toujours via vidéo. Utiliser la vidéo comme moyen de communication favorise une relation plus personnelle en face-à-face, comme ça le serait dans un café. Cela permet de faire disparaitre certains désagréments du genre : comment s’y rendre, qui paie, à quel moment se rencontrer? En bref, la réunion par vidéo prend moins de temps et elle est moins formelle. Mais il est toujours important de bien se présenter! Habillez-vous comme vous le feriez si vous vous rencontriez en personne.

La rencontre par vidéo présente un avantage supplémentaire: elle permet aux participant(e)s de se voir dans leur environnement. Leur maison, leur bureau, leur chat… ça peut mettre les gens à l’aise. Cela favorise un sentiment de confiance et une connection plus forte.

Katie Sintson : Je suis d’accord avec Katherine. Même si vous préférez les courriels, rencontrez-vous par vidéo pour les premières sessions. Une fois, j’ai vu où les deux personnes échangeaient uniquement par courriels et l’un des deux individus était un peu sarcastique, il pensait peut-être qu’il était drôle, mais cela ne se traduisait pas bien par écrit. Les expressions faciales peuvent aider à préciser un sens, un trait d’humeur jusqu’à ce que les gens s’adaptent l’un à l’autre.

Mentorat Québec : Certains systèmes de mentorat virtuel recommandent d’éviter de clore trop rapidement la rencontre en ligne. Il peut être tentant d’éteindre l’écran, surtout si la conversation décline. Toutefois, respectez le temps que vous avez alloué! Il peut être productif de surmonter l’inconfort, au moins lors des sessions initiales, lorsque les mentor(e)s et mentoré(e)s ne se connaissent pas bien.

Quelle importance prend la formation dans le mentorat virtuel?

Katherine Macnaughton :  Une certaine formation est très importante. Nous demandons aux mentor(e)s d’écouter activement en laissant les mentoré(e)s mener la conversation, en répétant ce que le mentoré(e) dit, avec ses propres mots, pour éviter de paraître directif. Du côté des mentoré(e)s, nous suggérons qu’ils préparent un ordre du jour et qu’ils le suivent pendant la rencontre. C’est important de garder une certaine structure. Pour aider, Mentorly envoie 15 exemples de questions aux mentoré(e)s. De plus, on conseille à chacun de se présenter dans une tenue convenable, de se placer proche d’une fenêtre ou d’une lampe. On demandera également aux mentoré(e)s de prendre des notes et de reprendre contact ultérieurement auprès du mentor(e) pour effectuer un suivi.

Katie Stinson : La communauté du NRMN est une communauté de scientifiques. En général, ils apprécient la précision et préfèrent les instructions littérales aux directives plus intuitives ou flexibles. C’est pourquoi nous avons développé 19 objectifs prédéfinis que les mentoré(e)s / mentor(e)s peuvent personnaliser. Les objectifs sont basés sur le format SMART et sont très détaillés. Chaque objectif a une vidéo explicative et énonce une question à laquelle il faut répondre. Les objectifs sont ensuite décomposés en 2 ou 3 tâches, chacune suggérant une question pour le mentor(e) et une question pour le mentoré(e). Notre communauté adore ça. Comme ça, on s’assure que tous les éléments sont pris en compte.

Comment faire pour stopper une relation virtuelle de mentorat?

Katie Stinson : Chez NRMN, nous facilitons la déconnexion. C’est favorable, parce que nous ne voulons pas que les gens demeurent dans une relation qui ne fonctionne pas. Si jamais une relation ne fonctionne pas, cela ne signifie pas que le mentor(e) ou le mentoré(e) est mauvais, cela signifie simplement que le jumelage n’est pas bon. Bien sûr, nous nous attendons à ce que l’individu qui désire mettre fin à la relation en informe son partneraire. Nous demandons également aux mentoré(e)s de remercier les mentor(e)s pour leur temps et de leur citer quelques bons conseils qu’ils auront apportés. Sinon, les mentor(e)s ne sauront pas ce qu’ils ont bien fait! Ces exemples sont vraiment très utiles.

Katherine Macnaughton : Nous trouvons que mettre fin à la relation n’est pas problématique dans la mesure où les règles d’interaction sont claires et équitables pour tout le monde. Je reviens au code de conduite de Mentorly. Étant donné que le code est transparent, la probabilité qu’une relation ne réponde pas aux attentes est grandement réduite. Par exemple, les mentor(e)s savent que les mentoré(e)s ne sont pas censés demander des recommandations pour un emploi. Cela va au-delà des responsabilités de mentorat strictement définies. Pour leur part, les mentoré(e)s savent que les mentor(e)s ne sont pas autorisé(e)s à proposer des sessions additionnelles. C’est aux mentoré(e)s de déterminer leurs propres besoins, sans pression.

Entrevue réalisée par Jennifer Petrela, gestionnaire de l’Accélérateur mentoral de Mentorat Québec

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