Les femmes se sentent souvent en sécurité dans les rôles fondés sur le savoir et leurs supérieurs sont à l’aise pour les y garder. Mais pour faire carrière, il est nécessaire d’acquérir de nouvelles compétences.

par Wanda T. Wallace
Image : Charlotte Rose Lavoie-Auspert

Au début de sa carrière, Isabelle (prénom fictif) a travaillé dur pour devenir une adjointe indispensable sur laquelle on pouvait compter pour organiser des projets et produire des résultats commerciaux mesurables. Ces talents se sont traduits par plusieurs promotions de ses collègues.

Le patron de Isabelle l’avait identifiée comme un successeur potentiel à son poste. Après tout, ses évaluations de rendement continuaient d’être excellentes et d’autres membres de la haute direction l’ont reconnue comme une contributrice précieuse au succès de l’équipe. Mais lorsque le patron de Isabelle obtint une promotion, la société choisit quelqu’un d’autre pour lui succéder, un homme appartenant à une autre unité. Isabelle a été désagréablement surprise et commença à s’interroger sur le «réseau des vieux garçons» et le «plafond de verre».

Les gens parlent du plafond de verre dans chaque entreprise que je visite. Certaines femmes se plaignent d’être confinées à des postes subalternes. D’autres racontent des histoires de dépassements. Les PDG disent qu’ils essaient d’éliminer cette barrière. Ce qui n’est pas bien compris, et encore moins discuté, c’est sa complexité.

Appeler cette barrière « verre » implique qu’elle soit cassante, uniquement extérieure et qu’elle se brise facilement par un coup assez puissant. Mais en réalité, elle est malléable, plus interne que nous l’avons souvent admis, et maintenue en place par beaucoup d’entre nous sans même que nous nous en rendions compte. Cette barrière existe à la croisée de deux zones de confort: le confort des femmes à travailler dans un rôle basé sur l’expertise, et le confort tant des hommes séniors que des femmes à maintenir les femmes dans ce type de travail. Cette combinaison de préférences crée une barrière invisible entre les rôles basés sur la connaissance et les rôles étendus – une barrière qui ressemble énormément à un plafond de verre.

Si vous êtes comme de nombreuses dirigeantes, vous avez passé des années à prouver que vous aviez au moins autant de compétences dans votre domaine que quiconque dans votre organisation, et votre confiance provient de cette maîtrise. Vous avez trouvé votre zone de confort. Toutefois, lorsque vous souhaitez occuper une position avec une portée plus large, vous devez disposer des compétences d’un leader multidisciplinaire, d’un gestionnaire qui, plutôt que de posséder une expertise approfondie, est apte à travailler au-delà des frontières du savoir. Le leadership ne consiste pas à exécuter des tâches soi-même ni à posséder un savoir-faire spécifique. Il s’agit d’être le facilitateur qui concentre l’équipe sur les priorités clés, inspire les autres et motive les individus à produire encore plus qu’ils ne le pensaient. Les responsables hiérarchiques mobilisent les connaissances des autres au lieu de les enrichir.

Isabelle n’était pas perçue comme une leader et elle ne savait pas qu’elle avait besoin de l’être. Elle ne réalisait pas non plus que son rôle de dirigeante axée sur le savoir était devenu une zone de confort. Dans le même temps, il était également prudent pour l’organisation de maintenir Isabelle dans une position de leadership reposant sur le savoir. Beaucoup de hauts dirigeants veulent des personnes qui travaillent pour eux et qui vont faire bouger les choses, gérer les détails, performer à un haut niveau et pousser les autres à obtenir des résultats. Les organisations semblent souvent particulièrement à l’aise avec le fait que des femmes compétentes occupent ces rôles.

Comment les femmes peuvent-elles surmonter la barrière et devenir des leaders d’envergure? Il existe de nombreuses façons de sortir de la zone d’expertise.

  • Recherchez des rôles de leadership en dehors de votre expertise. La plupart des organisations ont des réseaux à l’échelle de l’entreprise, ce qui nécessite des volontaires pour diriger des comités, organiser des événements et découvrir les besoins de leurs membres. Des activités telles que celles-ci vous permettent de dialoguer avec un large éventail de personnes, de discuter d’une stratégie et d’établir des priorités. Elles vous poussent également à parler en public, à côtoyer les gens de la direction et à apprendre à travailler avec les autres.
  • Dirigez vos supérieur.e.s. De nombreux postes de bénévole impliquent des interactions avec des comités de conseillers/conseillères ou des conseils de surveillance. Ce sont de bons environnements pour apprendre à diriger les gens dans l’échelle exécutive. S’impliquer dans des activités de recrutement peut également développer des compétences étendues. Lorsque vous recruterez de nouveaux/nouvelles diplômé.e.s, vous interagirez avec des responsables du recrutement plus expérimentés que vous et issus de différents secteurs de l’entreprise.
  • Combattez le perfectionnisme. Le perfectionnisme n’est pas strictement une affaire de femmes, mais beaucoup de femmes qui se sont lancées dans des carrières du savoir tendent à développer une obsession pour la qualité de leur production. Le perfectionnisme devient un trait d’identité tout au long de la vie qui peut saper les tentatives de promotion – votre supérieur hiérarchique peut vous voir comme une excellente exécutante, mais pas une stratège. Abandonner le perfectionnisme ne signifie pas de se laisser aller. Cela implique plutôt de ne pas gaspiller de temps en efforts additionnels pour améliorer votre production de manière négligeable. Ne vous faites pas ralentir par la police ou les marges de vos présentations. Évitez de perdre du temps et des ressources sur des tâches qui n’apportent pas une valeur ajoutée suffisante.
  • Notez comment les autres leaders ajoutent de la valeur. Découvrez les leaders qui sont largement admiré.e.s. Demandez aux gens ce que ces leaders font pour l’organisation. Remarquez comment ces leaders sont décrit.e.s. Observez les actions que l’organisation valorise le plus – vous constaterez que cette liste concerne davantage les sentiments des personnes qui travaillent avec ces dirigeant.e.es que les connaissances qu’ils/elles fournissent.
  • Trouvez un.e mentor.e. Un.e bon.ne mentor.e qui peut vous aider à développer des compétences étendues est inestimable. Idéalement, cette personne ne fera pas partie de votre chaîne hiérarchique immédiate. Vous voulez une personne qui puisse être objective sur ce qui est bon pour votre carrière plutôt que sur ce qui convient le mieux à votre service. Il est peu probable que ce.tte mentor.e de développement soit une personne affectée à ce rôle. Il doit exister un bon lien affectif entre vous deux, sinon la confiance ne sera pas forte. Cherchez quelqu’un que vous admirez. Demandez conseil à cette personne et, si tout se passe bien, revenez la voir.

En fin de compte, Isabelle a trouvé un mentor inspirant. Tout au long de sa carrière, elle avait clairement indiqué aux cadres supérieurs qu’elle souhaitait avoir la responsabilité des comptes aux finances, mais quand elle en avait parlé à son mentor, il lui avait dit quelques mots qui lui ont donné à réfléchir: elle n’obtiendrait pas un poste à ce niveau. Il lui a dit qu’elle devait changer de poste maintenant et latéralement, où elle pourrait acquérir les compétences en leadership et l’expérience nécessaires pour progresser.

Isabelle avait beaucoup de travail à faire, mais elle avait également des contacts avisés qui l’ont aidée à voir et à saisir rapidement les opportunités. Les conseils sincères et le soutien de son mentor ont fait toute la différence dans la prochaine étape de Isabelle et finalement dans son parcours de carrière. Ce mouvement latéral l’a finalement conduite dans le type de rôle qu’elle souhaitait et, de là, vers des postes aux responsabilités croissantes. Maintenant, Isabelle encourage les autres employé.e.s bloqué.e.s dans leur zone d’expertise sécuritaire à s’aventurer et à devenir des chefs de file.

Si vous vous identifiez à Isabelle et aspirez à avoir un impact plus important sur votre organisation, vous devez commencer à développer les compétences d’un leader dans l’ensemble de vos fonctions. Si vous êtes un.e mentor.e et un.e conseiller/conseillère, continuez à pousser. Ce qui peut sembler risqué est plutôt un créateur de carrière.

Une barrière existe où deux zones de confort se rejoignent: le confort des femmes à travailler dans un rôle basé sur l’expertise, et le confort des femmes et des hommes séniors quant au maintien des femmes dans ce type de travail.

Dr. Wanda T. Wallace, associée directrice de Leadership Forum, anime et parle de l’amélioration du leadership par le biais de meilleures conversations. Elle anime l’émission de radio hebdomadaire et le podcast « Out of the Comfort Zone » et est l’auteure de « You Can’t Know It All: Leading in the Age of Deep Expertise ».

© 2019 PwC. Tous les droits sont réservés. PwC désigne le réseau PwC et / ou un ou plusieurs de ses cabinets membres, chacun d’entre eux constituant une entité juridique distincte. Veuillez consulter www.pwc.com/structure pour plus de détails. www.strategy-business.com. Traduction du texte anglais original publié par le magazine strategy + business tel que convenu avec Mentorat Québec. Publié à l’origine ici: https://www.strategy-business.com/blog/Why-women-must-break-out-of-their-comfort-zone-to-advance?gko=9e2d4

 

 

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