Par Jennifer Petrela, experte en mentorat, Mentorat Québec
Artiste : Maliciou

Cet article est le premier d’une série en deux parties. Pour lire le deuxième article, cliquez ici.

« Les micro-agressions, en particulier les micro-agressions environnementales, sont plus influentes… que la victimisation flagrante. »

La recherche qui a abouti à cette conclusion fait partie d’un nombre croissant d’études qui révèlent les dommages cachés des micro-agressions : ces petites remarques ou gestes, souvent involontaires ou formulés comme des compliments, qui rabaissent ou invalident les membres d’un groupe marginalisé.

Chez certaines personnes, les micro-agressions sont source de confusion, de peur et de découragement. Chez d’autres, elles provoquent la colère, l’hostilité ou le ressentiment. L’impact des micro-agressions est souvent minimisé, mais leurs effets peuvent persister, sapant notre dynamisme, minant notre confiance et nous désengageant d’un lieu de travail ou d’une relation.

Le mentorat peut-il réduire les méfaits des micro-agressions? La recherche montre que c’est possible, de deux manières. La première est réactive : elle s’opère lorsqu’ un·e mentor·e soutient un·e mentoré·e qui a été ciblé·e par une micro-agression. La deuxième est proactive, lorsque le/la mentor·e rend les espaces (y compris l’espace occupé par la relation mentorale) plus équitables et aide la personne mentorée à s’outiller pour faire face aux micro-agressions.

On peut considérer la première comme un traitement et la seconde comme une façon de prévenir et neutraliser les occurrences de micro-agressions.. Les deux sont importants.

Cet article explique comment un·e mentor·e peut aider son mentoré·e ou un·e pair·e à traiter une micro-agression. Pour des suggestions pour prévenir et neutraliser les micro-agressions, lisez l’article sœur.

TRAITEMENT: LES MEILLEURES PRATIQUES SI VOTRE MENTORÉ·E A VÉCU UNE MICRO-AGGRESSION

Prenez la micro-agression au sérieux, même si votre mentoré·e ne le fait pas. Une partie de ce qui rend les micro-agressions si puissantes est à quel point elles semblent inoffensives et à quelle fréquence les témoins semblent les ignorer. Aucun de nous ne veut paraître mesquin, alors au lieu de nommer la micro-agression pour ce qu’elle est, nous minimisons parfois notre inconfort, attribuant l’incident à un malentendu et espérant que tout rentra dans l’ordre.

Si telle est la position de votre mentoré·e, respectez-la : la décision de nommer une micro-agression est la sienne, pas la vôtre. Mais si un·e mentoré·e mentionne une micro-agression, même avec désinvolture ou avec humour, vous, en tant que mentor·e, devez la prendre au sérieux. En reconnaissant le mal qu’une micro-agression peut causer, vous permettez à votre mentoré·e de reconnaître un possible malaise, dans l’immédiat ou plus tard.

Aidez votre mentoré·e à comprendre ce qui s’est passé. Parce que les micro-agressions sont souvent involontaires, elles peuvent semer la confusion chez la personne qui les subit. C’est particulièrement le cas lorsqu’une micro-agression est conçue comme un compliment. Si par exemple une femme conduit une auto et qu’un homme commente, « Vous conduisez comme un homme! » avec admiration, la femme pourrait avoir l’impression qu’il complimente sa conduite tout en insultant la capacité de conduire des femmes. Comment réagir devant la contradiction?

En tant que mentor·e, vous pouvez aider votre mentoré·e à séparer les bonnes intentions du sexisme, du racisme ou d’une autre attitude d’exclusion inconsciente. Vous pouvez rappeler à votre mentoré·e qu’il est possible d’être à la fois bien intentionné·e et sexiste, raciste, hétérosexiste ou capacitiste. Aucun d’entre nous ne peut se targuer d’être sans préjugé inconscient. Toutefois, les bonnes intentions ou l’ignorance des biais inconscients ne signifient pas qu’une micro-agression n’a pas eu lieu.

Faites découvrir à votre mentoré·e ses options. Confronter ou répondre directement à une micro-agression demande de l’énergie. En général, cela implique de solliciter une conversation, d’aborder un sujet sensible, d’expliquer l’effet de la micro-agression et d’écouter le point de vue de l’autre. Si la personne qui a fait la micro-agression réagit négativement, une discussion plus approfondie pourrait être nécessaire.

Répondre indirectement demande aussi de l’énergie. Si, par exemple, votre mentoré·e choisit de signaler l’incident à un tiers (un·e superviseur ou des collègues des ressources humaines), il peut lui être demandé de recueillir des preuves ou d’expliquer l’incident, peut-être plusieurs fois.

Répondre indirectement peut également signifier d’avoir à fixer des limites ou d’éviter les situations où des micro-agressions sont probables. Cela demande également des efforts.

Ne pas répondre est une option, mais cela n’est pas non plus sans conséquences. Ne pas répondre peut donner à votre mentoré·e un sentiment d’insécurité ou de ressentiment. C’est aussi le cas si on essaie d’apaiser le micro-agresseur. Ne pas répondre peut également laisser la porte ouverte à davantage de micro-agressions ou au regret de ne pas avoir agi. En tant que stratégie à court terme, cependant, ne pas répondre peut parfois être une solution acceptable.

En tant que mentor·e, vous pouvez aider votre mentoré·e à réfléchir aux choix qui s’offrent.

Validez la réaction de votre mentoré·e. Aucun de nous n’est obligé de répondre directement à une micro-agression ou à toute forme de harcèlement, petit ou grand. Nous sommes également libres de changer d’avis ou de réagir différemment à des moments différents. Votre mentoré·e peut trouver rassurant que vous lui rappeliez son droit de réagir comme il lui convient, au moment qui lui convient le mieux.

Lui proposer de répéter. Affronter l’auteur ou l’autrice d’une micro-agression peut être déstabilisant. Si votre mentoré·e décide d’affronter la personne directement, vous pouvez lui proposer de pratiquer la conversation en amont. Si votre mentoré·e préfère l’affronter par écrit, vous pouvez lui offrir de le ou la relire et de lui faire part de vos commentaires.

Les bons principes sont de parler à la première personne (parler au « je »), de décrire comment la micro-agression vous a fait ressentir et de dénoncer la micro-agression et non son auteur/autrice. Vous devez également préparer votre mentoré·e à écouter de manière non défensive mais avec assurance la réponse de son interlocuteur/trice.

Parlez vous-même. Parfois, les mentoré·e·s ont moins de capital social que les mentor.e·s. Cela peut être particulièrement vrai si votre mentoré·e fait partie d’un groupe marginalisé, et vous non. Si tel est le cas, il peut être approprié que vous preniez la parole en soutien ou à la place de votre mentoré·e. Parce que les micro-agressions nuisent à notre humanité commune, nous avons tous le droit de les dénoncer, même si elles ne nous ciblent pas directement.

Il est important, bien entendu, que vous ne parliez pas au nom de votre mentoré·e, mais en votre propre nom. Par exemple :

Évitez: « Votre commentaire sur les antécédents de ma mentorée l’a marginalisée et blessée. »

Préférez: « Cela m’a offensé d’apprendre votre commentaire sur les origines de ma mentoré·e. Je veux sentir que nous sommes tous valorisé·e·s et inclus·e·s, peu importe nos origines. »

Respectez la vie privée de votre mentoré·e. Si votre mentoré·e a vécu une micro-agression mais préfère ne pas en discuter (ou préfère en discuter avec quelqu’un·e d’autre), respectez son choix. Il n’y a pas une seule bonne façon de procéder.

CONCLUSION

Les micro-agressions ne sont pas « micro » du fait que leur effet est faible. Au contraire, les micro-agressions sont souvent plus blessantes et plus difficiles à identifier que l’exclusion manifeste.

La raison pour laquelle les micro-agressions sont appelées « micro » est que leur subtilité les rend difficiles à identifier, à expliquer et à dénoncer. Parfois, elles apparaissent comme des micro-insultes: des attitudes, des déclarations ou des actions qui dénigrent une partie de qui nous sommes. D’autres fois, elles apparaissent comme des micro-invalidations, comme lorsque les gens insinuent que nos sentiments à propos d’une micro-agression sont exagérés, sont trop sensibles, sont infondés ou sont antagonistes.

Dans les deux cas, elles nous rappellent que nous ne correspondons pas à la majorité, que nous ne sommes pas à notre place.

C’est particulièrement le cas des micro-agressions systémiques ou environnementales : des conditions impersonnelles et généralisées qui nous font nous sentir importun·es, aberrant·es ou inférieur·es. Le formulaire gouvernemental dont les cases à cocher de genre identifient uniquement « homme » et « femme » ne traite pas délibérément un·e répondant·e queer d’invisible. Interroger un mari hétérosexuel sur son travail et interroger sa femme sur leurs enfants se veut amical, pas sexiste. Mais ce n’en sont pas moins des formes d’exclusion: des manifestations contemporaines de la discrimination que les mentor·e·s peuvent contrer en les rendant visibles, d’abord auprès de leur mentoré·e, puis dans l’environnement.

Cet article propose des moyens de traiter les micro-agressions lorsqu’elles se produisent. Il est tout aussi important de les neutraliser et de les prévenir. Pour en savoir plus, lisez l’article sœur.

 

Micro-agressions

Une micro-agression est un commentaire ou une action qui exprime subtilement et souvent inconsciemment ou non-intentionnellement un préjugé envers le membre d’un groupe marginalisé. Si elles sont répétées, les micro-agressions peuvent éroder l’estime de soi de votre mentoré·e et nuire à sa performance.

Exemples de micro-agressions

  • Se faire accueillir moins chaleureusement que les autres.
  • Être présenté·e seulement par votre prénom, tandis que d’autres sont présenté·e·s par leur nom de famille, avec leurs distinctions ou avec une mention personnelle à leur propos
  • Être omis·e d’un courriel ou d’une réunion.
  • Ne pas être inclus·e dans un événement social.
  • Ne pas être écouté·e aussi attentivement que les autres.
  • Se faire interrompre alors que d’autres ne le sont pas.
  • Sentir que nos interventions suscitent de la frustration ou de l’impatience.
  • Ne pas se faire expliquer les acronymes, le jargon ou les références culturelles que les autres comprennent.
  • Entendre parler de votre affiliation à un groupe comme si vous étiez invisible.
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