Murale par A’Shop (Benny Wilding, Five 8, Earth Crusher)

Les preuves y sont : le mentorat présente de grands avantages pour les femmes mentorées, y compris les femmes travaillant dans un milieu à prédominance masculine. Mais que gagnons-nous en tant que mentor·e·s ? Quand sommes-nous qualifiés pour mentorer une femme? Et quelles sont les bonnes pratiques pour mentorer une personne en situation de minorité dans son milieu de travail?

 

LES BÉNÉFICES DU MENTORAT POUR LES MENTOR·E·S

Le mentorat profite généralement aux mentor·e·s de plusieurs façons. Et le mentorat d’une personne en situation minoritaire – par exemple, le mentorat d’une femme dans une industrie dominée par les hommes – expose souvent les mentor·e·s à un tout autre niveau d’apprentissage.

L’un des avantages les plus fréquemment cités du mentorat est qu’il amène les mentor·e·s à évaluer et à mieux comprendre leur propre trajectoire. Cela peut également amener les mentor·e·s à repenser à leur approche de la gestion, de l’organisation du temps et des relations professionnelles. Lors d’entrevues, les mentor·e·s reconnaissent que le mentorat leur a appris à écouter sans proposer de solutions, à faire appel à leur intuition et à adapter leur style de communication aux différents types de personnalité. De nombreux mentor·e·s déclarent se sentir rajeuni·e·s après une séance de mentorat au cours de laquelle il.el.s ont laissé leurs tâches de travail quotidiennes de côté et étaient simplement présent·e·s à quelqu’un.e. Les mentor·e·s rapportent également que le mentorat leur a donné de nouvelles perspectives sur le lieu de travail ou sur une industrie et a élargi leur réseau.

Lorsqu’il s’agit de mentorer une personne issue d’un groupe marginalisé, les mentor·e·s parlent aussi d’apprendre sur une réalité différente de la leur. Il n’y a rien de tel que le mentorat pour comprendre les obstacles auxquels se heurte une personne d’un autre genre, génération, formation ou culture. Ces caractéristiques influencent la façon dont une personne aborde un problème, la façon dont elle interagit avec les autres, la façon dont elle classe les priorités et ce qu’elle considère comme normal ou juste. Y être exposé·e nous ouvre les yeux sur de nouvelles possibilités.

En outre, le mentorat d’une personne issue d’un groupe marginalisé a pour effet d’exposer des obstacles dont les membres d’un groupe dominant ne peuvent être que vaguement conscients. Il s’agit notamment des obstacles que le·a mentor·e lui·elle-même pourrait ériger, souvent inconsciemment.

Chantal Dionne est directrice de la planification financière et des analyses à LCI Réseau Éducation au Québec, Canada. Elle donne l’exemple qui suit.

« Je me souviendrai toujours d’un mentoré qui m’a fait réaliser l’effet néfaste d’une de mes pratiques. En fait, il m’arrivait régulièrement d’arriver au travail très tôt et de partir tard. Or, mon mentoré m’a fait réaliser que mes collègues juniors m’observaient et se mettaient une pression indue en faisant comme moi.

Depuis, je pars à la même heure en soirée pour libérer mes pair·e·s de cette obligation perçue : je peux très bien continuer mon travail à la maison. Ensuite, si j’arrive tôt au bureau, je m’abstiens d’aller les saluer avant 8h30 ou 9h. Mes collègues s’en portent mieux et je suis plus consciente de l’effet que peuvent avoir mes gestes, même plus que mes paroles. »

Que se passe-t-il si le·a mentor·e est membre de la même minorité que son mentoré·e? Y a-t-il des avantages supplémentaires, dans ce cas? Au Royaume-Uni, où les services policiers sont un milieu à prédominance masculine, des policières ont déclaré que le mentorat d’une collègue junior leur a appris à mieux communiquer et les a amenées à s’affirmer plus facilement au travail. Elles ont également déclaré avoir acquis de nouvelles connaissances sur leur organisation et se sentaient plus à l’aise pour offrir leur aide à différentes personnes au travail.

 

QUI EST QUALIFIÉ POUR MENTORER UNE FEMME

Pour répondre à cette question, il est particulièrement important de garder à l’esprit deux éléments : l’expérience et la culture.

Expérience. Contrairement au coaching, la principale qualification pour encadrer quelqu’un·e est l’expérience. Les mentor·e·s ne sont généralement pas formé·e·s au perfectionnement professionnel. On ne s’attend pas à ce que le·a mentor·e enseigne à son/sa mentoré·e un ensemble spécifique de compétences et le·a mentor·e n’est pas non plus rémunéré·e·s pour produire des résultats. Le·a mentor·e est utile parce qu’il·el·s ont de l’expérience dans certains aspects du travail et sont prêt·e·s à tirer parti de cette expérience – leurs échecs comme leurs réussites – pour encourager quelqu’un·e de moins expérimenté dans le domaine.

Donc, si vous avez de l’expérience recherché par le·a mentoré·e, vous vous qualifiez pour le premier critère. Même si votre expérience ne vous semble pas particulièrement spéciale, elle peut être très importante pour une femme dans un milieu de travail dominé par les hommes. Comme expliqué dans l’article “Le mentorat au féminin : Trois réponses pour les mentorées”, les réseaux professionnels féminins dans ces lieux de travail ont tendance à être moins denses et moins influents que les réseaux professionnels masculins. Ainsi, votre volonté de partager votre expérience peut être une ressource précieuse pour une femme.

Culture. Le deuxième élément de qualification s’agit de notre culture en général. Malgré les avantages du mentorat, les mentor·e·s sont parfois pénalisé·e·s sur le plan du mentorat de femmes.

Des recherches publiées dans le Harvard Business Review en 2016 ont révélé que les patron·ne·s classaient moins bien les dirigeantes et les dirigeant·e·s non blanches qui adoptaient un comportement favorisant la diversité que ceux et celles qui ne se livraient pas à de telles mesures. En d’autres termes, si les dirigeant·e·s issus d’un groupe marginalisé cherchaient à aider d’autres membres d’un groupe marginalisé – et le mentorat n’est rien sinon aidant – leur réputation de compétence en pâtit.

Dans une étude distincte sur les non-dirigeant·e·s, les chercheur·euse·s ont demandé aux répondant·e·s – 307 adultes actifs – d’évaluer les décisions d’embauche des gestionnaires. Les répondant·e·s ont donné des notes élevées aux gestionnaires masculins blancs, peu importe qui i·el·s ont embauché. Leurs évaluations des gestionnaires non blanches et femmes, cependant, dépendaient de la personne que les gestionnaires embauchaient. Les personnes interrogées ont attribué des notes inférieures aux femmes et aux gestionnaires non blanc·he·s lorsqu’ils embauchaient une femme ou une personne non blanche, et des notes plus élevées lorsque les gestionnaires embauchaient un homme blanc.

Pourtant les hommes blancs ne sont pas toujours à l’abri. Dans Athena Rising, un livre publié en 2016 sur les raisons pour lesquelles les hommes devraient mentorer les femmes, les auteurs      citent une commandante de la marine sur le mentorat des femmes : « Parfois, les femmes sont perçues comme un facteur de risque. Il faut être un homme confiant, bien dans sa peau, prêt à prendre le risque de tendre la main pour encadrer une jeune femme. »

La solution à cette discrimination systémique est plus de mentorat, pas moins. Que ce soit le mentorat au niveau organisationnel, par l’entremise d’un programme de mentorat qui valorise les mentor·e·s, encourage les mentoré·e·s et forment les deux ; ou le mentorat individuel et bénévole pour les femmes qui n’ont pas accès à un programme de mentorat formel.

Identité. Nous n’avons pas nommé l’identité comme une qualification pour mentorer. Pourtant, la question de l’identité est fréquemment soulevée. Les hommes sont-ils qualifiés pour mentorer les femmes dans une industrie masculine, ou les femmes devraient-elles être encadrées uniquement par d’autres femmes ? En général, les membres d’un groupe marginalisé sont-i·el·s mieux encadrés par des membres du même groupe ou par des membres de la majorité ?

Trop souvent, la tendance est d’encadrer des personnes qui nous ressemblent et pensent comme nous. En 2019, par exemple, le Center for Talent Innovation a découvert que 71 % des mentor·e·s interrogé·e·s avaient choisi des « mini-moi ». En d’autres termes, une grande majorité de mentor·e·s au niveau exécutif, hommes et femmes, ont choisi des mentoré·e·s de la même race et du même genre qu’eux·elles.

Inutile de dire que cela reproduit souvent des structures de pouvoir inégales, à la fois parce que les avantages du mentorat profitent aux personnes dont les caractéristiques démographiques correspondent à celles des personnes détenant déjà le pouvoir et parce qu’en mentorant uniquement des personnes qui leur ressemblent, les mentor·e·s ratent une occasion d’en apprendre davantage sur les préjugés auxquels sont confrontés ceux d’horizons divergents – et éventuellement y remédier.

Cela dit, il peut s’avérer avantageux de jumeler mentor·e·s et mentoré·e·s sur la base du genre, de l’origine ou d’une autre caractéristique sociodémographique. Lisez notre article pour en savoir plus.

Une bonne règle de base est de laisser décider le·a mentoré·e. Certain·e·s mentoré·e·s préfèrent un·e mentor·e qui partage certains points de similitude ; d’autres recherchent délibérément la différence. Pour le reste, la démographie n’est pas un enjeu.

 

CONCLUSION ET SUITE

Des mentor·e·s du monde entier vous diront que le mentorat est une fabuleuse expérience personnelle et professionnelle. La satisfaction de s’appuyer sur un vécu durement acquis pour aider quelqu’un·e d’autre est pour beaucoup une expérience intensément enrichissante.

Cela dit, l’apprentissage des meilleures pratiques en matière de mentorat peut rendre le mentorat beaucoup plus efficace. Pour en savoir plus, voir l’article “Le mentorat au féminin : Meilleures pratiques” sur le blogue de Mentorat Québec Certaines des pratiques qui y sont nommées sont communes aux hommes et aux femmes, tandis que d’autres concernent plus particulièrement les femmes.

Et si vous étiez vous-même mentorée? L’article “Le mentorat au féminin : Trois réponses pour les mentorées” répond à trois des questions les plus pressantes des mentorées.

Enfin, gardez un œil sur l’Accélérateur de mentorat de Mentorat Québec, qui lancera une série de webinaires sur le mentorat pour les femmes et les membres des groupes sous-représentés à l’automne 2021 ou l’hiver 2022.

Avec nos remerciements à Yvon Chouinard, Marilou Fuller, Dahlia Jihwan, et Shi Tao Zhang pour leurs réflexions et commentaires.

Références

Jones, J. (2017). How can mentoring support women in a male-dominated workplace? A case study of the UK police force. Palgrave Communications 3(1):16103. 10.1057/palcomms.2016.103.

Johnson, S. K. & Hekman, D. R. (2016). Diversity: Women and Minorities Are Penalized for Promoting Diversity. Harvard Business Review. https://hbr.org/2016/03/women-and-minorities-are-penalized-for-promoting-diversity.

Johnson, W. B. & Smith, David. (2016). Athena Rising: How and Why Men Should Mentor Women. Bibliomotion, Inc.

Abonnez-vous à nos infolettres

Abonnez-vous à nos infolettres

Abonnements

Merci pour votre abonnement. Vous recevrez un courriel pour valider votre adresse.